Friday 9 September 2016

Le Monopole de la Tristesse Chapitre 1 Les Grandes Peurs

Il pleut.  Une grosse pluie tambourine.  Elle tombe, elle abonde.

Je constate le refus d'infiltration d'un sol déjà saturé par la pluie qui imprègne une langeur de l'esprit comme elle imprègne le sol.  L'atmosphère funèbre déjà dans ma tête augmente.

C'est une pluie qui ne veut rien dire mais qui est un rapproche quand même que je reçois de ma conscience.  Elle me rabat plus.

Je me dis que cette pluie n'est qu'un flux qui assure la place de l'autorité, impossible à anticiper.  Elle me casse et elle me disloque.

Je ne vous cache pas que j'ai demandé ma sortie de l'hospitalisation libre il y a deux jours.

Pourquoi?

Eh bien, une bonne question.  Je pourrais me demander aussi.  Pourquoi travail-je dans un couloir de la mort?  Pourquoi choisis-je ce monde du sang, du cris, des bêtes paniquées, sans espoir, condamnées, démembrées, morcelées?

Je les entends tout le temps; les animaux qui attendent leur tour pour mourir.  Je les vois dans l'enclos. Ce travail déchire mon esprit, le dépèce.  On donne la mort a des êtres sans défense.  Les images d'horreur recommencent.  Je vis des jours d'anxiété, d'horreur à les abattoirs de la Villette.

Le plaisir doit se mériter et je ne mérite rien.

La confrontation de l'air chaud et l'humidité devient le battement de la pluie qui est un nettoyage psychologique, un mécanisme purificateur.  La pluie devient une fleuve immense de l'éternité qui porte les choses du monde extérieur seulement afin de les réduire à néant.

Je vous admettre aussi que j'ai signé une décharge de responsabilité établissant que j'ai eu connaissance des dangers que cette sortie présentait pour moi.  Mais je la signé tout de même.

Et maintenant c'est une grosse pluie qui précise le sens de la pratique de ses rythmes.  La pluie est l'objet servant à la percussion corporelle, le rappel constant du besoin d'exister.

Mais il ne reste plus une pensée vivante.  Les malédictions canalisent l'énergie d'un but à l'autre, de la guérison à la destruction.  L'esprit chagrin, la tête abattue, c'est une pluie d'une inquiétante étrangeté. L'imposition d'une obscure volonté.  Finalement, c'est une pluie d'un rêve d'angoisse.

Un homme me passe, sans muscles, sans squelette; un fantôme de la pluie, soutenant la chair qui trahit une inquiétude.  Cette pluie, cet acharnement.  Ce dérangement cosmique qui m'entoure, qui entoure nous deux.  Moi et cet homme qui n'est pas la reproduction du réel.

Il n'est pas un homme.  Il est l'interprétation d'un homme.  Une peur qui bouge.

La pluie est farcie d'un dépouillement envoûtant et l'atonalité prophétique.  Elle est d'une réintroduction du matériel existant dans de nouveaux développements mélodiques.

Tout n'est pas encore clair.  Le destin est dans l'avènement.  Je marche sans savoir si cette marche va provoquer une chute; la peste du destin.

Cet homme qui me passe fait l'effort instable.  Il ne décide pas.

Peut-être il n'est qu'une espèce de cécité psychique; l'incapacité de reconnaître les objets malgré une vue normale.

Il me passe entre silences et croyance à l'ombre de la peur.

Un brouillard nimbe son corps.  C'est lui ou la pluie qui a perdu son chemin?  L'homme fait l'effort, sans savoir s'il existe, s'il n'est pas l'homme mais l'interprétation de l'homme.

La brouillard rend invisible les formes.

Le visage de cet homme est un portrait ambigu.  Est-il un homme conceptuel instruit par l'expérience?

Il n'est pas un homme qui se manifeste vivement.  Il ne cherche rien.  Il n'est pas un homme tressaillant de crainte, même si la pluie s'abat sur lui comme sur moi.  Non.  Il s'éloigne de la pluie même sous la pluie.  Il fait face à ce qui arrive.  C'est une dissimulation afin de cacher sa vérité.  Il prend conscience de la base réelle de l'imaginaire.  Il rebelle contre la nature.  Il refuse de prendre les choses pour ce qu'elles sont.

La pluie est consumée en désirs indomptables.  C'est une pluie de désespoir.

Tout ce qui arrive est nécessaire.  Même mes émotions négatives pourraient m'aider.

Je ne veux plus faire couler le sang des animaux dans les rues.  Ces images me suivent non seulement au travail mais en dehors du travail.  Oui, je pensais que j'avais besoin d'un suivi psychiatrique.  Mais la vérité est que j'ai besoin d'une fin des carcasses, des pieds sectionnées, des panses et des intestins, la fin des animaux hissés à un treuil et saigné.

Mon travail exige un prix énorme.

J'ai l'intention de demander à cet homme comment je pourrais avoir le sentiment d'être perdu même si je connais le chemin.

Le chemin est le début, un fragment de l'avenir nécessaire, la mélancolie renforcée.

C'est sûr que je faillais être hospitalisé.  J'avais craqué.  Je ne dormais plus.  J'hallucinais.

La pluie écoule à la surface du trottoir.  Je me promène dans les gouttelettes d'eau, dans le ruissellement de la pluie.

L'homme disparaît.

La pluie continue.

Elle remue dans mon être des émotions abyssales, des profondeurs d'un abîme inimaginable.  Elle compose une aubade plus apte qu'une simple combinaison de sons, .

Ce monde intérieur émergent de la réalité quotidienne de l'extérieur me porte à croire que quelque chose en moi s'est cassé.

Les minuscules gouttes d'eau tombent avec un sensibilité indicible.

Je lève les yeux.  Plus le nuage est épais, plus il paraît sombre car la lumière a beaucoup des difficultés à traverser ces gouttes d'eau.

Le sol réémet la lumière par réflexion qui ajoute un peu de lumière à la surface visible des nuages mais l'ombre ne cesse de gagner du terrain.

Ces nuages et ces ombres révèlent l’avènement d'une vérité inadmissible.

Sans savoir comment, j'arrive